Detachment
Source Image : AlloCiné
Séance ciné hier pour un film que je souhaitais voir depuis un moment, mais je n'avais jamais trouvé le temps d'y aller.
Synopsis :
Henry Bates (Adrian Brody) est un professeur remplaçant; il est affecté pendant trois semaines dans un lycée très difficile de la banlieue newyorkaise. Lui qui s'efforce de toujours prendre ses distances va voir sa vie bouleversée par son passage dans ce lycée. Henry traîne lui aussi un passé très lourd, il s'est enfermé dans son univers, cependant il aide ses élèves et fait preuve d'empathie à l'égard de tous.
Ce que je pense :
J'ai lu quelque part lors de la sortie du film, que "tous les profs devraient aller voir ce film". Ce film offre un splendide point de vue sur la situation de l'enseignement aux Etats-Unis, sur le métier de professeur, mais pas seulement; on y voit aussi l'attitude des parents face aux enseignants, le comportement des élèves, agressifs, violents, complètement désabusés, obnubilés par l'apparence, les loisirs, qui se fichent comme d'une guigne de ce que peut leur apporter l'école. Et le plus triste, c'est que les professeurs sont eux-mêmes désabusés, et ils craquent à tour de rôle, ou bien sont obligés de se donner du courage à coup de pilules du bonheur.
Les propos sont crus (et même en VO, les mots sont durs), rien ne nous est épargné; ce film dresse un constat alarmant de la situation de l'école aux Etats-Unis. En face de cette violence, il y a Henry, toujours calme, à la voix douce, qui oppose à la violence son empathie, son sourire, sa disponibilité, malgré un passé douloureux qui lui revient toujours en pleine figure.
Adrian Brody est sublime dans ce rôle de prof, tiraillé entre sa volonté de se détacher des sentiments des autres, et son envie d'inculquer le meilleur à ses élèves sans avoir à s'investir émotionnellement. C'est un film puissant, profond, où même les seconds rôles sont parfaits (James Caan en particulier en prof désabusé certes, mais plein d'humour).
Au-delà de ce que ce film nous montre sur l'enseignement à l'américaine, il y a aussi la vision de la middle-class américaine, et plus particulièrement newyorkaise, avachie devant la télé, mangeant à même les plats, quand ce n'est pas à même le frigo, ne communiquant pas entre eux. J'ai été complètement bouleversée par ces profs qui rentrent chez eux, démoralisés par ce qu'ils ont vécu toute la journée à l'école, et qui ne peuvent échanger avec personne, pas même leurs enfants ou leur conjoint, parce que la télé est là, que les téléphones remplacent les échanges parents-enfants. "Detachment" n'est pas seulement un film sur l'éducation, mais aussi sur la solitude, l'entraide, le mal-être d'une société en perdition.
Quand à la mise en scène, elle est originale, inventive, déroutante parfois, mais elle participe à la beauté et à la puissance du film : dessins, flash-backs flous et colorés,séquences d'animation, apartés de Henry Barthes, tout s'emmêle pour nous frapper d'un uppercut tonitruant; pour moi, "Detachment" a été une véritable claque, et vaut mieux, à mes yeux, que tous les discours officiels que l'on peut faire sur l'enseignement. Ce film est bouleversant, à voir à mon avis, par les profs mais aussi par les parents qui devraient se sentir responsabilisés.
"Detachment" a obtenu 2 prix au Festival du film américain de Deauville, et 8 nominations dans d'autres festivals; on peut déplorer qu'il soit distribué aussi confidentiellement; pas assez "rentable", "bankable" sûrement. Dommage !