Le Havre

Inutile de chercher ce film dans les circuits habituels, il vous faut trouver une salle d'art et d'essai qui le programme, car ni UGC, ni Gaumont, ne vont courir le risque de le mettre à l'affiche.

Le Synopsis :

Marcel Marx ex-écrivain et bohème, s'est volontairement exilé dans la ville du Havre où il exerce le métier de cireur de chaussures, métier honorable mais non rémunérateur; il a fait le deuil de son ambition littéraire, et l'exercice de son métier lui donne l'impression d'être plus proche du peuple. Sa vie le satisfait, et il va du bistrot du coin à son travail, de  chez lui où l'attend sa femme Arletty aux promenades de sa chienne LaiKa. Le destin se charge brutalement de lui ouvrir les yeux en mettant sur son chemin un jeune garçon immigré clandestin, originaire d'Afrique Noire.

Dans le même temps, Arletty tombe gravement malade, et Marcel doit à nouveau combattre le mur froid de l'indifférence avec pour seules armes son optimisme inné et la solidarité des habitants de son quartier. Il affronte la mécanique aveugle d'un Etat de droit occidental, représenté par l'étau de la police qui se resserre de plus en plus sur le jeune réfugié.

Mon avis :

-  C'est un film à la Demy, léger malgré le sujet, par la façon de filmer, l'insouciance apparente des personnages qui chantent et dansent, se contentent de peu alors que tout s'effondre autour d'eux. Tout l'art du réalisateur a été de choisir des acteurs quasi-inconnus, mis à part Andre Wilms, ce qui renforce l'impression de réalisme. Les autres acteurs ont vraiment des "tronches", que ce soit les clients du café que fréquente Marcel, les pêcheurs, les femmes qui l'entourent, les immigrés.

Ce film aurait tout à fait pu être tourné en noir et blanc, je pense que cela aurait renforcé le côté Demy. La ville portuaire a magnifiquement été filmée, particulièrement la nuit, les cieux nuageux, les bateaux, les grues du port, l'eau grise, inquiétante.

- Toutefois, j'ai eu l'impression de voir un conte moderne, où tout finit bien; les situations sont angoissantes, stressantes, mais l'histoire est un conte; la solidarité entre voisins fait que tout se termine pour le mieux dans le meilleur des mondes. Le jeune immigré finira par rejoindre Londres, son but premier, Arletty guérira, et Marcel retournera à son travail et son train-train. Même la présence de Darroussin en commissaire de police sentimental et gentil, défenseur des petits et des sans-grades, qui n'hésite pas à mettre en péril sa situation, renforce l'impression d'irréalisme. Et quand on sort, on se dit que tout cela est gentillet, mais que ce n'est pas la vraie vie, que cette vie-là est loin d'être aussi rose, et optimiste.

Mais peut-être cela était-il le but d'Aki Kaurismäki qui a dit dans une interview : "le cinéma européen ne traite pas beaucoup de l'aggravation continue de la crise économique, politique et surtout morale causée par la question non résolue des réfugiés. Le sort réservé aux extracommunautaires qui tentent d'entrer dans l'Union Européenne est variable et souvent indigne. Je n'ai pas de réponse à ce problème, mais il m'a paru important d'aborder ce sujet dans un film qui, à tous égards, est irréaliste." 

Il a également dit que de la devise de la France, il n'avait gardé que le mot "fraternité"; doit-on être aussi optimiste ?

Ce film se laisse voir, il est parfois drôle, toujours émouvant, et peut-être qu'il apportera sa pierre au changement de nos attitudes et pensées concernant les immigrés.

Si vous l'avez vu, j'aimerais bien avoir votre avis.

Photos empruntées au site AlloCiné.

Comments

[Elisabeth]

Je crois qu'à mon retour je vais aller le voir car il me tente bien et vous me rassurez sur le fait que le jeu des acteurs n'est pas un obstacle insurmontable! Merci pour cette critique, je vous souhaite une excellente soirée (enfin en France c'est la pleine nuit :-))

[My discoveries]

Merci pour cette critique très intéressante, même si d'après ce que vous en dites, je ne suis pas du tout attirée par ce film... Et bonne soirée Joelle!

[Joelle]

Oui effectivement, les acteurs sur-jouent (je ne sais pas si on peut dire ça) et c'est flagrant chez Marcel, le personnage principal. J'ai moi aussi été déroutée au départ, mais on oublie facilement au cours du film.

Bonne journée.

[Elisabeth]

Je ne l'ai pas encore vu mais il me tente bien (peut-être àmon retour du Mexique). Néanmoins, une amie m'a dit qu'elle avait été déroutée par le jeu des acteurs.